Découvrir n'est pas connaître

Et il était enfin arrivé après avoir emprunté des chemins inconnus aussi tortueux et broussailleux que les cheveux dressés sur sa tête.

Coiffeur à Cuba

Un vieux monsieur lui avait indiqué un itinéraire, en l’écoutant, il avait su apprendre la patience, il ne pouvait abréger les palabres de cet être sans âge tant son flot de paroles ne connaissait aucun répit. Libéré, ivre d’indications dont il ne se souvenait plus, il entreprit de pénétrer dans un quartier animé dans lequel les enfants zébraient l’atmosphère de leurs rires insouciants. La fin d’après-midi révélait ses secrets, les hommes repartaient retrouver des amis, à tout le moins, ils l’affirmaient à leur conjointe. Comme lui, ils s’égaraient au coin de quelques ruelles accueillantes. A gauche, puis à droite, il croyait se diriger vers un réconfort certain, il souhaitait que l’on prenne soin de lui, il ponctuait ainsi une semaine harassante.

Il n’ignorait pas cependant que les petites échoppes ne fermeraient pas tard car l’exode des jeunes vidait la ville, le pays, de ses enfants, de ceux pour lesquels, l’être demeurait supérieur à l’avoir.

Affronter de nouvelles explications en apostrophant un badaud en déshérence, il ne le souhaitait pas. Il comptait sur sa chance, non qu’il en eût mais parfois l’absence de courage le poussait dans un hasard bienveillant.

Perdu, il renonça à sa quête d’un bien-être mérité. Il aurait aimé pourtant adoucir les stigmates physiques d’une chaîne de montage, sombre, quotidienne, répétitive, épuisante. Depuis une semaine, il avait atterri là pour un nouveau départ, il n’avait connu quelle, déjà leur relation s’apparentait à un couple usé par le temps.
Que tenter ? Revenir sur des pas déjà oubliés, il ne pouvait renoncer, il n’osait cependant plus avancer. Pile ou face, l’idée semblait simple mais efficace. La pièce virevolta et tomba sans fracas sur le trottoir. La face l’enjoignait à poursuivre son errance au milieu de ce quartier sans vie, sans âme. Il aborda de nouveau un passant qui comprit en le voyant ce qu’il cherchait. Paraissait-il donc si hirsute ? En esquissant un léger sourire, ce voisin d’infortune, leva la main et pointa non loin, une lumière à peine visible mais distincte.

« Tu trouveras là ce que tu cherches ». Oh oui, il sentait sa joie monter à chaque pas, il allait bientôt s’asseoir, fermer ses yeux lourds puis attendre sans bouger des minutes durant. Conscient d’une tache salvatrice à accomplir pour délivrer cet homme fatigué, le coiffeur l’accueillit avec grâce. Son salon témoignait de la simplicité de l’homme, seule la satisfaction du client comptait. Sans attendre, il s’installa, cligna des yeux. Ses paupières se fermèrent immédiatement livrant tout son être, particulièrement sa chevelure aux doigts graciles d’un homme attentionné. Assoupi, il ne savait plus, il s’abandonnait malgré une chaleur moite entretenue par des néons à la couleur sans éclat.

L’ouvrage presque achevé, il se réveilla tel un roi assis sur un trône d’opérette, il prit du temps pour revenir à lui-même sous l’œil espiègle de cet artisan qui agitait avec aisance peigne et ciseaux. Son but atteint, habité par la paix, il avait oublié les assauts de sa vie tumultueuse, il se sentait enfin lui-même.